RETOUR A KILLYBEGS de Sorj CHALANDON

RETOUR A KILLYBEGS de Sorj CHALANDON - 2011 - Editions LE LIVRE DE POCHE - 332 pages

Quatrième de couverture

« Maintenant que tout est découvert, ils vont parler à ma place. L'IRA, les Britanniques, ma famille, mes proches, des journalistes […]. Certains oseront vous expliquer pourquoi et comment j'en suis venu à trahir. Des livres seront peut-être écrits sur moi […]. Ne vous fiez pas à mes ennemis, encore moins à mes amis. Détournez-vous de ceux qui diront m'avoir connu. Personne n'a jamais été dans mon ventre, personne. Si je parle aujourd'hui, c'est parce que je suis le seul à pouvoir dire la vérité. Parce qu'après moi, j'espère le silence. » Killybegs, le 24 décembre 2006, Tyrone Meehan.

L'auteur

Sorj Chalandon est un auteur français né en 1952. Journaliste au Canard enchaîné, il a reçu le prix Albert Londres en 1988 pour ses reportages  dans Libération sur l'Irlande du Nord et le procès Klaus Barbie et publié six romans dont Le petit Bonzi (2005), Une Promesse (2006, prix Médicis), Mon traître (2008, Prix Joseph Kessel)- qui traite du même conflit que Retour à Killybegs, mais vu par un autre personnage, ami de Tyrone Meehan -  Retour à Killybegs (2011, Grand Prix du roman de l'Académie française) et dernièrement Le Quatrième Mur (prix Goncourt des Lycéens 2013).

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Tyrone Meehan, un vieil homme de 83 ans revient dans sa maison natale à Killybegs, petit village du nord de l'Irlande, pour y mourir. Issu d'une famille catholique très pauvre, il a seize ans lorsqu'après la mort de son père, il s'installe chez son oncle maternel à Belfast avec sa mère et ses huit frères et soeurs. C'est la guerre : les Allemands bombardent la ville. Tyrone, élevé par un père ivrogne, violent,  ultranationaliste et qui lui a inculqué la haine de l'anglais, est vite embrigadé par l'Ira. Sa vie va alors être rythmée par ses missions, de plus en plus dangereuses au fur et à mesure qu'il grandira, ses séjours en prison, de plus en plus pénibles au fur et à mesure que la situation politique deviendra plus tendue, ses libérations.... Sitôt sorti de prison, il reprend du service, animé par la haine des anglais, galvanisé par le courage de ses camarades qui refusent de ployer sous le joug de Margaret Thatcher. Il devient un héros de l'Ira. Et puis un jour, sur une barricade, le geste qui jamais n'aurait du arriver et donne un motif aux services secrets anglais pour le faire chanter. Epuisé par trop de haine, trop de violence, trop de morts, acculé par ce lourd secret qu'il n'a pas le courage d'avouer aux siens, il accepte de travailler pour eux. Il trahira pendant 25 ans, jusqu'à ce que l'Ira ayant déposé les armes, il soit découvert et contraint de quitter Belfast. "On peut aimer l'Irlande à en mourir, ou l'aimer à en trahir".

Sorj CHALANDON connait bien le conflit irlandais pour l'avoir couvert lorsqu'il était journaliste à Libération. Pour Retour à Killybegs, il s'est inspiré de l'action de Denis Donalson, leader de l'Ira, qui fut une taupe des services secrets britanniques pendant 20 ans. Mais pas seulement....Il met en scène dans ce livre Tyrone Meehan, un homme profondément humain, imprégné de l'amour de son pays, de la haine de ceux qu'il considère comme ses ennemis, révolté par la mort de ses amis en prison, rongé par les remords. Après une vie toute entière faite de violence - depuis les coups que lui portait son père jusqu'à ceux qu'il assénait à ses ennemis - il est contraint à attendre la mort qui -il le sait- viendra de ses anciens amis. Sorj Chalandon y évoque aussi la vie misérable de ces Irlandais privés de tout : les hommes qui ne trouvent pas toujours de travail et dépensent leur maigre solde au pub ; les femmes entièrement occupées par la maison et les enfants dont les naissances se succèdent les unes après les autres.

Retour à Killybegs est un livre très documenté, fort, très dur, dense, violent, qui prend aux tripes. L'émotion y est partout présente. A travers ces pages, on sent tout l'amour que l'auteur porte à ces femmes et à ces hommes fiers, courageux, prêts à mourir - et même à trahir- pour leurs convictions et la liberté de leur pays.

Un livre à lire absolument.

Note : 9/10

Les premières phrases :

"Quand mon père me battait, il criait en anglais, comme s'il ne voulait pas mêler notre langue à ça. Il frappait bouche tordue, en hurlant des mots de soldats. Quand mon père me battait il n'était plus mon père, seulement Patraig Meehan."

Une des dernières phrases :

"Tyrone Meehan a été enterré le 14 Avril 2007 au cimetière municipal de Belfast, accompagné de sa seule famille".

Comments

[Léa Touch Book]

Je l'ai dans ma PAL et j'ai hâte de le lire :) surtout avec une aussi belle chronique !