OURAGAN de LAURENT GAUDE
OURAGAN - LAURENT GAUDE - 2010 - Editions ACTE SUD - 189 pages
Quatrième de couverture
A La Nouvelle-Orléans, alors qu'une terrible tempête est annoncée, la plupart des habitants fuient la ville. Ceux qui n'ont pu partir devront subir la fureur du ciel. Rendue à sa violence primordiale, la nature se déchaîne et confronte chacun à sa vérité intime : que reste-t-il en effet d'un homme au milieu du chaos, quand tout repère social ou moral s'est dissous dans la peur ?
Seul dans sa voiture, Keanu fonce vers les quartiers dévastés, au coeur de la tourmente, en quête de Rose, qu'il a laissée derrière lui six ans plus tôt et qu'il doit retrouver pour, peut-être, donner un sens à son existence...
Dans un saisissant décor d'apocalypse, Laurent Gaudé met en scène une dizaine de personnages qui se croisent ou se rencontrent. Leurs voix montent collectivement en un ample choral qui résonne comme le cri de la ville abandonnée à son sort. Roman ambitieux à l'écriture empathique et incantatoire, Ouragan mêle la gravité de la tragédie à la douceur bienfaisante de la fable pour exalter la fidélité, la fraternité, et l'émouvante beauté de ceux qui restent debout.
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Laurent Gaudé situe l'action de son roman à la Nouvelle Orléans lors du passage de l'ouragan Kathrina. Dès l'annonce de son approche, nous suivons tour à tour cinq personnages : Joséphine Lincoln Steelson "négresse depuis presque cent ans" une vieille dame fière de sa couleur et éprise de liberté, Rose Peckerbye mère célibataire délaissée par son compagnon, Keanu Burns qui vient de fuir la plateforme pétrolière sur laquelle il était employé, Buckeley enfermé à la prison d'Orleans Parish et le seul blanc : Le révérend, que jamais l'auteur ne désignera par son nom.
Kathrina arrive : ceux qui peuvent fuir et en ont les moyens quittent la ville ; restent les laissés pour compte : les pauvres, les noirs. Seul Keanu Burns roule en direction de la ville ; il veut retrouver Rose son amour de jeunesse qu'il regrette d'avoir quitté. Suite à la rupture des digues, l'eau monte dans les rues qui sont envahies par les alligators échappés des bayous voisins. Les couloirs de la prison sont inondés, les prisonniers abandonnés par leurs gardiens réussissent à s'échapper et parcourent la ville, armés et menaçants. Joséphine erre dans les rues, puis est amenée contre son gré dans le stade où sont regroupés les survivants. Keanu et Rose se retrouvent et peuvent revivre quelques instants de bonheur. Tous ces personnages -qui en d'autres circonstances ne se seraient sans doute jamais connus - vont se croiser à un moment ou un autre. Confrontés au déchainement de la nature, ils vont devoir se dépasser pour survivre et finalement révéleront ce qu'ils ont de meilleur ou de pire en eux.
Encore une fois, Laurent Gaudé replace ses personnages dans leur fragilité, dans leurs failles les plus intimes, ce qui les rend profondément attachants. Tous sont tous dépassés par leur destin. J'ai été particulièrement touchée par Joséphine qui semble porter en elle toute l'histoire et la souffrance des esclaves noirs et qui malgré tout ce qu'elle a vécu et la ségrégation à laquelle elle est encore confrontée, défend ses rêves de liberté. Le pasteur aussi, dont on ne connaitra jamais le nom, emporté par une vague de mysticisme, et qui cherchant à mettre sa foi à l'épreuve confond la Voix de Dieu avec l'écho de ses propres peurs et de sa lâcheté. La seule chose qui m'ait un peu génée, c'est le manicheisme qui oppose les Blancs aux Noirs : les Noirs sont bons et les Blancs mauvais, même quand ils cherchent à aider.
"Ils se sont souvenus de nous. Comme ils finissent toujours par le faire : trop tard, lorsque nous sommes sales et épuisés. Lorsque nous sommes en colère d'avoir été oubliés. Alors ils sont venus comme ils viennent toujours dans ces cas là, la main tendue d'un côté et les doigts pour se boucher le nez de l'autre"
C'est une lecture dans laquelle j'ai été emportée comme par un ouragan. Le style fluide de l'auteur y est pour beaucoup ainsi que la construction du roman : les personnages prenant la parole chacun leur tour à l'intérieur d'un même chapitre, on a l'impression de les suivre presque heure par heure. Et plus les événements se précipitent, plus les paragraphes se font courts.
Un ouvrage court mais dense. Un grand moment de lecture......
NOTE : 9/10